On dit que le mesurage Carrez a pour objectif d’améliorer la protection des acquéreurs de lots de copropriété. Est-ce tout à fait vrai ? Oui, à l’origine ; plus tant que ça dans l’actualité, puisque nombreux sont ceux qui y perdent parfois des dizaines de milliers d’euros.
La Loi Carrez, à quoi ça sert ?
Le mesurage en Loi Carrez (18 décembre 1996) sert à calculer la superficie privative d’un bien en copropriété. Cela concerne autant les maisons individuelles en lotissement que les immeubles, qu’ils soient destinés à l’habitation ou au commerce. Il est obligatoire en cas de vente immobilière dès lors que le bien se situe en copropriété et qu’il dispose d’une surface d’au moins 8m² – et doit être mentionné dans les avant-contrats et dans l’acte de vente.
Pourquoi est-ce qu’il ne concerne que les biens en copropriété et non pas ceux en monopropriété ? La raison est simple. A l’origine, le mesurage en loi Carrez avait pour objectif de déterminer la part des charges de copropriété dues par le propriétaire d’un bien de manière précise (à 5% près), et ainsi éviter que les copropriétaires s’acquittent des mêmes charges pour des superficies différentes.
Cependant, très rapidement, ce mesurage Carrez est venu déterminer le prix des maisons et appartements. Et aujourd’hui, il s’agit d’un indicateur clé dans la fixation des prix de vente chez les vendeurs, acquéreurs et professionnels de l’immobilier. Au point où certains notaires en viennent à demander les mesures Carrez pour des biens se trouvant hors copropriété, bien que ce ne soit pas obligatoire.
La marge d’erreur autorisée
La loi autorise une marge d’erreur inférieure à 5% de la surface réelle du bien. Il s’agit d’une protection assez large pour le vendeur, dans le cas où deux mesures pourraient ne pas être les mêmes. En effet, un acquéreur peut se retourner contre le vendeur si la superficie du bien ne correspond pas à celle indiquée dans l’acte ou les avant-contrats : en demandant la nullité de l’acte de vente ou revoyant le prix à la baisse.
En cas d’absence de mesurage Carrez dans les documents d’avant-vente, l’acquéreur dispose d’1 mois pour demander l’annulation de la vente – à compter de la signature de l’acte de vente.
Dans le cas où la superficie indiquée est supérieure de plus de 5% à la surface réelle du bien, l’acquéreur dispose d’1 an pour demander la diminution du prix de vente (proportionnelle à la superficie manquante) – à compter de la signature de l’acte de vente. Délai bien trop court pour les acheteurs, qui souvent s’en rendent compte de longues années plus tard, au moment de revendre leur bien.
Mais cela peut aussi être pénalisant pour un vendeur, car si la superficie indiquée comporte une erreur de 5% ou moins, aucune révision du prix ne peut être faite.
Une loi qui n’est plus adaptée à ses fonctions
La valorisation des biens est aujourd’hui fortement régie par le prix au m² (déterminé par la surface Carrez), notamment en région parisienne, où la moindre erreur peut coûter très cher.
Prenons pour exemple un appartement de 100m² dans le 16ème arrondissement de Paris, où la moyenne du prix au m² est de 11 530 € :
En cas d’erreur de 4% sur le mesurage Carrez, dans le cas où il indiquerait 4m² de moins que la surface réelle, la marge de 5% est respectée. Cependant, le vendeur aura perdu 46 120€, la somme équivalant au 4m² non mentionnés.
Mais il en est de même pour l’acquéreur, si l’erreur est faite dans l’autre sens, dans le cas où le logement indiquerait 4m² de plus que la surface réelle. L’acquéreur payerait 46 120€ de plus, pour une surface qui n’existe pas.
De fait, en raison de la focalisation sur le prix au m², nombreux sont ceux demandant aux diagnostiqueurs de jouer sur la marge afin de bénéficier la vente de leurs biens, ce qui engage la crédibilité et le sérieux des bureaux de diagnostics.
La loi Carrez, de par sa fonction d’origine, n’est pas adaptée à la valorisation des biens. Et, avec des prix immobiliers qui ne font qu’augmenter dans plusieurs grandes villes de France, il serait peut-être temps d’ajuster cette loi aux évolutions du secteur…